Monday, February 11, 2013

The use of man-hunting dogs in the Haitian Revolution

[Version française ci-dessous]

Napoleonica, the journal sponsored by the Fondation Napoléon in Paris, just published an article of mine on the most shocking episode in the Haitian Revolution: the use of man-hunting dogs by the French army. The introduction follows. For the full text, go to http://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2012-3.htm (free access; French and English versions).

“The first of March, 1803 seemed a delightful time to be in Cap-Français, the capital and commercial center of Saint-Domingue (present-day Cap-Haïtien and Haiti, respectively). The stifling rainy season had not yet descended and the air was still balmy and healthy. But Saint-Domingue was in the grips of war: one year earlier, a 20,000-strong expedition sent by First Consul of France Napoléon Bonaparte had come to oust Governor Toussaint Louverture from office and restore direct French rule. French troops had managed to capture and exile Louverture, but plantation laborers, convinced that Bonaparte intended to restore slavery, had launched a massive revolt that had yet to be subdued. As of March 1803, the French expeditionary army, led by Donatien de Rochambeau after the death of its first commander Victoire Leclerc, only controlled the main ports and adjacent coastal plains in the northern and western provinces of Saint-Domingue. A general uprising had recently racked the southern province; only eastern Saint-Domingue (the present-day Dominican Republic) remained quiescent.
March 1803 was also the time when the Napoléon cast anchor in Cap-Français. Arriving from Cuba, she brought 40,000 gourdes in cash, 25 horses, and 100 dogs destined to become the main actors in one of the most notorious episodes of the Haitian War of Independence.[1] The Cuban dogs were similar to the Santo Domingo breed, which a contemporary witness judged to be “at least equal to the largest Scottish or Russian greyhound... with the head shaped like the wirehaired terrier.... The look and motions of this animal at once told consciousness of superiority.”[2]
An enthusiastic crowd lined the streets to celebrate the dogs’ arrival.[3] People threw flowers on their path and decorated them with cockades and ribbons. Rochambeau decided that the dogs’ aggressiveness should be put to the test. The dogs were put on starvation rations while a wooden arena was hastily built (probably in the garden of Les Religieuses, a former convent and Catholic school).[4]
On an appointed day, a rambunctious crowd gathered to witness what promised to be a unique and ghastly spectacle. The scene is known to us through the French sailor Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, the French general Pamphile Lacroix, and the mixed-race officer Juste Chanlatte, all of whom apparently witnessed it in person, and the nineteenth-century historians Thomas Madiou and Beaubrun Ardouin, who collected oral histories from Haitian veterans. A black prisoner was dragged into the arena and tied to a pole (according to Lacroix, Madiou and Ardouin, he was the servant of Rochambeau’s chief of staff Pierre Boyer). Teams of dogs next made their entry. Though maddened by hunger and the public’s clamor, they could not understand what was expected of them and stood motionless around their foe. It took some prodding by their drivers—and, according to Ardouin and Madiou, Boyer cutting open the victim’s stomach—before the dogs warmed up to the scent of blood. Then, suddenly, in a whirl of red dust, they devoured their hapless prey to the roar of the crowd and the blare of military music. The execution had lasted but a few minutes. Their appetite for vengeance satiated, the spectators then retired to their domicile, while the dogs, having proven their ferociousness, were prepped for their first mission: a counterinsurgency operation in the nearby island of La Tortue (Tortuga).”



L’utilisation de chiens de combat pendant la révolution haïtienne

Napoleonica, la revue de la Fondation Napoléon à Paris, vient de publier mon article sur le plus troublant des crimes commis pendant la révolution haïtienne: l’utilisation de chiens mangeurs d’hommes. L’introduction est reproduite ci-après. Pour le texte complet, allez sur http://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2012-3.htm (accès gratuit; texte en français et en anglais).

« Mars 1803 aurait pu être une période agréable à Cap-Français (Cap-Haïtien), le centre commercial et politique de Saint-Domingue (Haïti). La saison des pluies n’avait pas encore débuté et l’air était encore frais et sain. Mais Saint-Domingue était en guerre. Un an plus tôt, le premier consul Napoléon Bonaparte avait envoyé une expédition de 20.000 hommes pour renverser le gouverneur Toussaint Louverture. Louverture avait été capturé et exilé, mais les cultivateurs des plantations, convaincus que Bonaparte voulait rétablir l’esclavage, s’étaient révoltés. Dans les provinces Ouest et Nord, l’armée expéditionnaire, sous les ordres de Donatien de Rochambeau, ne contrôlait plus en mars 1803 que les principaux ports et les plaines côtières. Une révolte venait d’éclater dans la province Sud, jusque-là plutôt calme. Seule la province Est (République Dominicaine) restait tranquille.
C’est dans ce contexte incertain que le Napoléon jeta l’ancre au Cap-Français vers le 1er mars 1803. Il apportait de Cuba 40.000 gourdes en espèces, 25 chevaux et 10 chiens qui allaient jouer un rôle central dans l’épisode le plus sombre de la guerre d’indépendance haïtienne.[5] Selon un auteur de l’époque, ces chiens cubains, apparentés aux chiens de Santo Domingo, étaient “les égaux des plus grands lévriers écossais ou russes.... L’apparence et les mouvements de cet animal prouvent instantanément sa supériorité.[6]
Une foule enthousiaste envahit les rues pour fêter l’arrivée des chiens.[7] Les spectateurs jetaient des fleurs sur leur passage et les décoraient de cocardes et de rubans. Rochambeau décida aussitôt de les mettre à l’épreuve. Pendant qu’on les faisait jeûner, une arène en bois fut bâtie à la hâte, probablement dans le jardin des Religieuses, un ancien couvent et école catholique situé au cœur de Cap-Français.[8]
Le jour venu, une foule turbulente s’assembla pour assister à un spectacle qui promettait d’être aussi unique que sauvage. Les détails nous ont été transmis par le marin français Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, le général français Pamphile Lacroix, et l’officier mulâtre Juste Chanlatte, qui furent apparemment témoins de cette scène, et par les historiens du dix-neuvième siècle Thomas Madiou et Beaubrun Ardouin, qui se basèrent sur des témoignages de vétérans de la Révolution Haïtienne.
Un prisonnier noir fut tout d’abord mené dans l’arène et lié à un poteau (selon Lacroix, Madiou et Ardouin, c’était le serviteur du général Pierre Boyer, le chef d’état major de Rochambeau). Ce fut ensuite au tour des chiens d’entrer en scène. Les cris de la foule et les tiraillements de la faim auraient dû attiser leur ardeur mais, ne parvenant pas à comprendre ce qu’on attendait d’eux, ils restèrent immobiles auprès du prisonnier. Ce n’est qu’après que leurs meneurs les encouragèrent (et que Boyer, selon Ardouin et Madiou, ouvrit l’estomac de la victime d’un coup de sabre) qu’ils émergèrent enfin de leur torpeur. Soudain, dans un tourbillon de poussière rouge sang, ils dévorèrent leur proie au son d’une fanfare militaire et des rugissements de la foule. L’exécution ne dura que quelques minutes. Après avoir assouvi leur soif de vengeance, les spectateurs se retirèrent chez eux pendant que les chiens, ayant prouvé leur ardeur guerrière, étaient apprêtés pour leur prochaine mission, une opération contre les rebelles de l’île voisine de La Tortue. »




[1] The dogs’ imminent departure from Cuba was mentioned in Louis de Noailles to Hector Daure (23 Feb. 1803), 416AP/1, Archives Nationales, Paris (hereafter AN). The dogs arrived in early ventôse (late February-early March) and were immediately used for an execution according to Pamphile de Lacroix, “Mémoire secret sur l’armée et la colonie de Saint-Domingue” (c. 1803), p. 41, Pièce 98, AF/IV/1212, AN. By 7 March, dogs were being prepped for combat according to Pierre Thouvenot, [Untitled] (4-6 March 1803), Ms. Hait. 66-220, Boston Public Library. So it is likely that the execution took place on or about 1 March 1803, as mentioned in H. Pauléus Sannon, Histoire de Toussaint Louverture vol. 3 (Port-au-Prince: Héraux, 1920-1933), p. 152, not  “late in 1802” as claimed in Laurent Dubois, Avengers of the New World: The Story of the Haitian Revolution (Cambridge: Harvard University Press, 2004), p. 292.
[2] Charles Hamilton Smith, Natural History of Dogs; Canidae or Genus Canis of Authors; Including also the Genera Hyaena and Proteles vol. 2 (Edinburgh: W. H. Lizars, 1840), p. 121. Thanks to Jonathan North for mentioning this work.
[3] On the whole of this episode, see Lacroix, “Mémoire secret, p. 41, written by a French general who served in the Leclerc expedition; A. J. B. Bouvet de Cressé, ed., Histoire de la catastrophe de Saint-Domingue (Paris: Peytieux, 1824), p. 63-68, which reproduces an account by the mixed-race officer Juste Chanlatte; Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue du 1 décembre 1803 au 15 juillet 1809, précédée de souvenirs historiques et succints de la première campagne (Le Havre: Brindeau et compagnie, 1846), p. 66-68, written by a French sailor who served in the Leclerc expedition; Thomas Madiou, Histoire d’Haïti vol. 2 (Port-au-Prince : Courtois, 1847), p. 411-412, a historical monograph based on oral histories conducted in Haiti; and Beaubrun Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti vol. 5 (Paris: Dezobry et Magdeleine, 1853-1860), p. 391-393, another monograph based on oral histories.
[4] The execution took place in Les Religieuses according to Bouvet de Cressé, Histoire de la catastrophe, p. 64. The former government house near the place d’armes is mentioned as an alternate location in Madiou, Histoire d’Haïti vol. 2, p. 441 and Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti vol. 5, p. 391. Lemonnier mentions the habitation Charrier in nearby Haut-du-Cap (where the Religieuses had lived in 1781-1783) in Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue, p. 66. On the history of this religious order, see Gabriel Debien, “Les religieuses du Cap à Saint-Domingue,” Revue d'histoire de l'Amérique française 3:3 (1949), p. 402-422.
[5] Le départ immédiat des chiens de Cuba est mentionné Louis de Noailles à Hector Daure (23 fév. 1803), 416AP/1, Archives Nationales, Paris (AN). Les chiens arrivèrent début ventôse (fin février – début mars) selon Pamphile de Lacroix, “Mémoire secret sur l’armée et la colonie de Saint-Domingue” (c. 1803), p. 41, Pièce 98, AF/IV/1212, AN. Les chiens étaient préparés pour leur première mission au 7 mars selon Pierre Thouvenot, [Sans titre] (4-6 mars 1803), Ms. Hait. 66-220, Boston Public Library. Il est donc probable que l’exécution eut lieu le 1er mars, comme indiqué dans H. Pauléus Sannon, Histoire de Toussaint Louverture vol. 3 (Port-au-Prince: Héraux, 1920-1933), p. 152, et non “fin 1802” selon Laurent Dubois, Avengers of the New World: The Story of the Haitian Revolution (Cambridge: Harvard University Press, 2004), p. 292.
[6] Charles Hamilton Smith, Natural History of Dogs; Canidae or Genus Canis of Authors; Including also the Genera Hyaena and Proteles vol. 2 (Edinburgh: W. H. Lizars, 1840), p. 121. Le chien décrit ici fut acheté près de Sámana, servit à Saint-Domingue, puis fut amené à la Jamaïque après l’évacuation française. Merci à Jonathan North pour m’avoir parlé de ce livre.
[7] Sur l’exécution, voir Lacroix, “Mémoire secret,” p. 41, écrit par un général français qui servit dans l’expédition Leclerc; A. J. B. Bouvet de Cressé, éd., Histoire de la catastrophe de Saint-Domingue (Paris: Peytieux, 1824), p. 63-68, qui reproduit le récit de l’officier mulâtre Juste Chanlatte; Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue du 1 décembre 1803 au 15 juillet 1809, précédée de souvenirs historiques et succints de la première campagne (Le Havre: Brindeau et compagnie, 1846), p. 66-68, écrit par un marin français qui servit dans l’expédition Leclerc; Thomas Madiou, Histoire d’Haïti vol. 2 (Port-au-Prince : Courtois, 1847), p. 411-412, ouvrage historique basé sur des entretiens avec des vétérans haïtiens; and Beaubrun Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti vol. 5 (Paris: Dezobry et Magdeleine, 1853-1860), p. 391-393, un autre ouvrage basé sur des entretiens.
[8] L’exécution eut lieu aux Religieuses selon Bouvet de Cressé, Histoire de la catastrophe, p. 64. L’ancien palais du gouvernement près de la place d’armes est mentionné Madiou, Histoire d’Haïti vol. 2, p. 441 et Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti vol. 5, p. 391. Lemonnier parle de l’habitation Charrier à Haut-du-Cap (où l’ordre des Religieuses avait vécu en 1781-1783) : voir Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue, p. 66. Sur cet ordre, voir Gabriel Debien, “Les religieuses du Cap à Saint-Domingue,” Revue d'histoire de l'Amérique française 3:3 (1949), p. 402-422.

The use of man-hunting dogs in the Haitian Revolution


The use of man-hunting dogs in the Haitian Revolution

[Version française ci-dessous]

Napoleonica, the journal sponsored by the Fondation Napoléon in Paris, just published an article of mine on the most shocking episode in the Haitian Revolution: the use of man-hunting dogs by the French army. The introduction follows. For the full text, go to http://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2012-3.htm (free access; French and English versions).

“The first of March, 1803 seemed a delightful time to be in Cap-Français, the capital and commercial center of Saint-Domingue (present-day Cap-Haïtien and Haiti, respectively). The stifling rainy season had not yet descended and the air was still balmy and healthy. But Saint-Domingue was in the grips of war: one year earlier, a 20,000-strong expedition sent by First Consul of France Napoléon Bonaparte had come to oust Governor Toussaint Louverture from office and restore direct French rule. French troops had managed to capture and exile Louverture, but plantation laborers, convinced that Bonaparte intended to restore slavery, had launched a massive revolt that had yet to be subdued. As of March 1803, the French expeditionary army, led by Donatien de Rochambeau after the death of its first commander Victoire Leclerc, only controlled the main ports and adjacent coastal plains in the northern and western provinces of Saint-Domingue. A general uprising had recently racked the southern province; only eastern Saint-Domingue (the present-day Dominican Republic) remained quiescent.
March 1803 was also the time when the Napoléon cast anchor in Cap-Français. Arriving from Cuba, she brought 40,000 gourdes in cash, 25 horses, and 100 dogs destined to become the main actors in one of the most notorious episodes of the Haitian War of Independence.[1] The Cuban dogs were similar to the Santo Domingo breed, which a contemporary witness judged to be “at least equal to the largest Scottish or Russian greyhound... with the head shaped like the wirehaired terrier.... The look and motions of this animal at once told consciousness of superiority.”[2]
An enthusiastic crowd lined the streets to celebrate the dogs’ arrival.[3] People threw flowers on their path and decorated them with cockades and ribbons. Rochambeau decided that the dogs’ aggressiveness should be put to the test. The dogs were put on starvation rations while a wooden arena was hastily built (probably in the garden of Les Religieuses, a former convent and Catholic school).[4]
On an appointed day, a rambunctious crowd gathered to witness what promised to be a unique and ghastly spectacle. The scene is known to us through the French sailor Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, the French general Pamphile Lacroix, and the mixed-race officer Juste Chanlatte, all of whom apparently witnessed it in person, and the nineteenth-century historians Thomas Madiou and Beaubrun Ardouin, who collected oral histories from Haitian veterans. A black prisoner was dragged into the arena and tied to a pole (according to Lacroix, Madiou and Ardouin, he was the servant of Rochambeau’s chief of staff Pierre Boyer). Teams of dogs next made their entry. Though maddened by hunger and the public’s clamor, they could not understand what was expected of them and stood motionless around their foe. It took some prodding by their drivers—and, according to Ardouin and Madiou, Boyer cutting open the victim’s stomach—before the dogs warmed up to the scent of blood. Then, suddenly, in a whirl of red dust, they devoured their hapless prey to the roar of the crowd and the blare of military music. The execution had lasted but a few minutes. Their appetite for vengeance satiated, the spectators then retired to their domicile, while the dogs, having proven their ferociousness, were prepped for their first mission: a counterinsurgency operation in the nearby island of La Tortue (Tortuga).”



L’utilisation de chiens de combat pendant la révolution haïtienne

Napoleonica, la revue de la Fondation Napoléon à Paris, vient de publier mon article sur le plus troublant des crimes commis pendant la révolution haïtienne: l’utilisation de chiens mangeurs d’hommes. L’introduction est reproduite ci-après. Pour le texte complet, allez sur http://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2012-3.htm (accès gratuit; texte en français et en anglais).

« Mars 1803 aurait pu être une période agréable à Cap-Français (Cap-Haïtien), le centre commercial et politique de Saint-Domingue (Haïti). La saison des pluies n’avait pas encore débuté et l’air était encore frais et sain. Mais Saint-Domingue était en guerre. Un an plus tôt, le premier consul Napoléon Bonaparte avait envoyé une expédition de 20.000 hommes pour renverser le gouverneur Toussaint Louverture. Louverture avait été capturé et exilé, mais les cultivateurs des plantations, convaincus que Bonaparte voulait rétablir l’esclavage, s’étaient révoltés. Dans les provinces Ouest et Nord, l’armée expéditionnaire, sous les ordres de Donatien de Rochambeau, ne contrôlait plus en mars 1803 que les principaux ports et les plaines côtières. Une révolte venait d’éclater dans la province Sud, jusque-là plutôt calme. Seule la province Est (République Dominicaine) restait tranquille.
C’est dans ce contexte incertain que le Napoléon jeta l’ancre au Cap-Français vers le 1er mars 1803. Il apportait de Cuba 40.000 gourdes en espèces, 25 chevaux et 10 chiens qui allaient jouer un rôle central dans l’épisode le plus sombre de la guerre d’indépendance haïtienne.[5] Selon un auteur de l’époque, ces chiens cubains, apparentés aux chiens de Santo Domingo, étaient “les égaux des plus grands lévriers écossais ou russes.... L’apparence et les mouvements de cet animal prouvent instantanément sa supériorité.[6]
Une foule enthousiaste envahit les rues pour fêter l’arrivée des chiens.[7] Les spectateurs jetaient des fleurs sur leur passage et les décoraient de cocardes et de rubans. Rochambeau décida aussitôt de les mettre à l’épreuve. Pendant qu’on les faisait jeûner, une arène en bois fut bâtie à la hâte, probablement dans le jardin des Religieuses, un ancien couvent et école catholique situé au cœur de Cap-Français.[8]
Le jour venu, une foule turbulente s’assembla pour assister à un spectacle qui promettait d’être aussi unique que sauvage. Les détails nous ont été transmis par le marin français Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, le général français Pamphile Lacroix, et l’officier mulâtre Juste Chanlatte, qui furent apparemment témoins de cette scène, et par les historiens du dix-neuvième siècle Thomas Madiou et Beaubrun Ardouin, qui se basèrent sur des témoignages de vétérans de la Révolution Haïtienne.
Un prisonnier noir fut tout d’abord mené dans l’arène et lié à un poteau (selon Lacroix, Madiou et Ardouin, c’était le serviteur du général Pierre Boyer, le chef d’état major de Rochambeau). Ce fut ensuite au tour des chiens d’entrer en scène. Les cris de la foule et les tiraillements de la faim auraient dû attiser leur ardeur mais, ne parvenant pas à comprendre ce qu’on attendait d’eux, ils restèrent immobiles auprès du prisonnier. Ce n’est qu’après que leurs meneurs les encouragèrent (et que Boyer, selon Ardouin et Madiou, ouvrit l’estomac de la victime d’un coup de sabre) qu’ils émergèrent enfin de leur torpeur. Soudain, dans un tourbillon de poussière rouge sang, ils dévorèrent leur proie au son d’une fanfare militaire et des rugissements de la foule. L’exécution ne dura que quelques minutes. Après avoir assouvi leur soif de vengeance, les spectateurs se retirèrent chez eux pendant que les chiens, ayant prouvé leur ardeur guerrière, étaient apprêtés pour leur prochaine mission, une opération contre les rebelles de l’île voisine de La Tortue. »



[1] The dogs’ imminent departure from Cuba was mentioned in Louis de Noailles to Hector Daure (23 Feb. 1803), 416AP/1, Archives Nationales, Paris (hereafter AN). The dogs arrived in early ventôse (late February-early March) and were immediately used for an execution according to Pamphile de Lacroix, “Mémoire secret sur l’armée et la colonie de Saint-Domingue” (c. 1803), p. 41, Pièce 98, AF/IV/1212, AN. By 7 March, dogs were being prepped for combat according to Pierre Thouvenot, [Untitled] (4-6 March 1803), Ms. Hait. 66-220, Boston Public Library. So it is likely that the execution took place on or about 1 March 1803, as mentioned in H. Pauléus Sannon, Histoire de Toussaint Louverture vol. 3 (Port-au-Prince: Héraux, 1920-1933), p. 152, not  “late in 1802” as claimed in Laurent Dubois, Avengers of the New World: The Story of the Haitian Revolution (Cambridge: Harvard University Press, 2004), p. 292.
[2] Charles Hamilton Smith, Natural History of Dogs; Canidae or Genus Canis of Authors; Including also the Genera Hyaena and Proteles vol. 2 (Edinburgh: W. H. Lizars, 1840), p. 121. Thanks to Jonathan North for mentioning this work.
[3] On the whole of this episode, see Lacroix, “Mémoire secret, p. 41, written by a French general who served in the Leclerc expedition; A. J. B. Bouvet de Cressé, ed., Histoire de la catastrophe de Saint-Domingue (Paris: Peytieux, 1824), p. 63-68, which reproduces an account by the mixed-race officer Juste Chanlatte; Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue du 1 décembre 1803 au 15 juillet 1809, précédée de souvenirs historiques et succints de la première campagne (Le Havre: Brindeau et compagnie, 1846), p. 66-68, written by a French sailor who served in the Leclerc expedition; Thomas Madiou, Histoire d’Haïti vol. 2 (Port-au-Prince : Courtois, 1847), p. 411-412, a historical monograph based on oral histories conducted in Haiti; and Beaubrun Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti vol. 5 (Paris: Dezobry et Magdeleine, 1853-1860), p. 391-393, another monograph based on oral histories.
[4] The execution took place in Les Religieuses according to Bouvet de Cressé, Histoire de la catastrophe, p. 64. The former government house near the place d’armes is mentioned as an alternate location in Madiou, Histoire d’Haïti vol. 2, p. 441 and Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti vol. 5, p. 391. Lemonnier mentions the habitation Charrier in nearby Haut-du-Cap (where the Religieuses had lived in 1781-1783) in Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue, p. 66. On the history of this religious order, see Gabriel Debien, “Les religieuses du Cap à Saint-Domingue,” Revue d'histoire de l'Amérique française 3:3 (1949), p. 402-422.
[5] Le départ immédiat des chiens de Cuba est mentionné Louis de Noailles à Hector Daure (23 fév. 1803), 416AP/1, Archives Nationales, Paris (AN). Les chiens arrivèrent début ventôse (fin février – début mars) selon Pamphile de Lacroix, “Mémoire secret sur l’armée et la colonie de Saint-Domingue” (c. 1803), p. 41, Pièce 98, AF/IV/1212, AN. Les chiens étaient préparés pour leur première mission au 7 mars selon Pierre Thouvenot, [Sans titre] (4-6 mars 1803), Ms. Hait. 66-220, Boston Public Library. Il est donc probable que l’exécution eut lieu le 1er mars, comme indiqué dans H. Pauléus Sannon, Histoire de Toussaint Louverture vol. 3 (Port-au-Prince: Héraux, 1920-1933), p. 152, et non “fin 1802” selon Laurent Dubois, Avengers of the New World: The Story of the Haitian Revolution (Cambridge: Harvard University Press, 2004), p. 292.
[6] Charles Hamilton Smith, Natural History of Dogs; Canidae or Genus Canis of Authors; Including also the Genera Hyaena and Proteles vol. 2 (Edinburgh: W. H. Lizars, 1840), p. 121. Le chien décrit ici fut acheté près de Sámana, servit à Saint-Domingue, puis fut amené à la Jamaïque après l’évacuation française. Merci à Jonathan North pour m’avoir parlé de ce livre.
[7] Sur l’exécution, voir Lacroix, “Mémoire secret,” p. 41, écrit par un général français qui servit dans l’expédition Leclerc; A. J. B. Bouvet de Cressé, éd., Histoire de la catastrophe de Saint-Domingue (Paris: Peytieux, 1824), p. 63-68, qui reproduit le récit de l’officier mulâtre Juste Chanlatte; Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue du 1 décembre 1803 au 15 juillet 1809, précédée de souvenirs historiques et succints de la première campagne (Le Havre: Brindeau et compagnie, 1846), p. 66-68, écrit par un marin français qui servit dans l’expédition Leclerc; Thomas Madiou, Histoire d’Haïti vol. 2 (Port-au-Prince : Courtois, 1847), p. 411-412, ouvrage historique basé sur des entretiens avec des vétérans haïtiens; and Beaubrun Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti vol. 5 (Paris: Dezobry et Magdeleine, 1853-1860), p. 391-393, un autre ouvrage basé sur des entretiens.
[8] L’exécution eut lieu aux Religieuses selon Bouvet de Cressé, Histoire de la catastrophe, p. 64. L’ancien palais du gouvernement près de la place d’armes est mentionné Madiou, Histoire d’Haïti vol. 2, p. 441 et Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti vol. 5, p. 391. Lemonnier parle de l’habitation Charrier à Haut-du-Cap (où l’ordre des Religieuses avait vécu en 1781-1783) : voir Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue, p. 66. Sur cet ordre, voir Gabriel Debien, “Les religieuses du Cap à Saint-Domingue,” Revue d'histoire de l'Amérique française 3:3 (1949), p. 402-422.

Wednesday, January 23, 2013

Three new articles and a book!


(traduction française ci-dessous)

I won the trifecta... and more! January 2013 will see the publication of three new articles and a book on the Haitian Revolution.

The first article, co-authored by Jean-Louis Donnadieu, presents plenty of novel archival evidence on the early life of Toussaint Louverture, including his first wife Cécile (far less known than his second wife Suzanne) and the various slaves and free people of color Louverture knew before the Haitian Revolution, including Jean-Jacques Dessalines. “Toussaint Before Louverture: New Archival Findings on the Early Life of Toussaint Louverture,” William and Mary Quarterly 70:1 (January 2013).

The second article gives an overview of the current scholarship on the Haitian Revolution and of the main archival resources. It should be very helpful to researchers, especially those who are new to the field. “The Haitian Revolution, History’s New Frontier: State of the Scholarship and Archival Sources,” Slavery and Abolition 34:1 (Jan. 2013).

The third article (in French) examines the memoir written by Louverture during his captivity in the Fort de Joux, which is the longest document he ever wrote in his own hand and one that sheds new light on the origins of Haiti’s main language, Kreyòl. “Quelle langue parlait Toussaint Louverture ? Le mémoire du Fort de Joux et les origines du kreyòl haïtien,” Annales 68:1 (Jan. 2013).

Last but not least, my « big book » on the Haitian war of independence has now been translated into French. Just like the English original, the book starts with Louverture’s 1801 constitution and covers the Leclerc expedition that led to Haiti’s 1804 independence. Ces esclaves quiont vaincu Napoléon: Toussaint Louverture et la guerre d’indépendance haïtienne(Rennes: Les Perséides, Jan. 2013).

Happy reading !


Trois nouveaux articles et un livre !

J’ai touché le quarté dans l’ordre ! Trois de mes articles vont sortir en janvier 2013, ainsi qu’un livre.

Mon livre sur la guerre d’indépendance haïtienne, paru en anglais en 2011, vient de sortir dans une version française. Il commence avec la constitution de Louverture de 1801 puis il couvre l’expédition Leclerc jusqu’à l’indépendance d’Haïti en 1804. Ces esclaves qui ont vaincu Napoléon: Toussaint Louverture et la guerre d’indépendance haïtienne (Rennes: Les Perséides, Jan. 2013).

Le premier article (en français) examine le mémoire écrit par Toussaint Louverture pendant sa captivité au Fort de Joux. Ce texte, le plus long qu’il ait jamais écrit, est un document essentiel sur les origines du Kreyòl haïtien. “Quelle langue parlait Toussaint Louverture ? Le mémoire du Fort de Joux et les origines du kreyòl haïtien,” Annales 68:1 (Jan. 2013).

Le deuxième article, écrit en collaboration avec Jean-Louis Donnadieu, introduit de nombreux éléments inédits sur la jeunesse de Toussaint Louverture, y compris sa première femme Cécile et les divers esclaves et personnes libres que Louverture connaissait bien avant la Révolution Haïtienne, à commencer par Jean-Jacques Dessalines. “Toussaint Before Louverture: New Archival Findings on the Early Life of Toussaint Louverture,” William and Mary Quarterly 70:1 (January 2013).

Le troisième article est un état des lieux de l’historiographie actuelle sur la Révolution Haïtienne, en anglais comme en français. Il contient aussi un aperçu des ressources archivistiques qui devrait s’avérer fort utile pour les chercheurs. “The Haitian Revolution, History’s New Frontier: State of the Scholarship and Archival Sources,” Slavery and Abolition 34:1 (Jan. 2013).

Bonne lecture !


(c) P. Girard 2013